Moco & What Else

Premier concours inter-EV, seconde épreuve : le CSO. J’avais soigneusement échauffée ma jument, prenant garde, toutefois, à ce qu’elle ne se fatigue pas trop avant le véritable commencement de l’épreuve. Je connaissais le parcours et ses difficultés : pas elle. J’avais donc bien travaillé une allure pas trop précipitée, quoique bien en avant, une mise sur la main parfaite et, surtout, un bon pli, qui me serait très utile, pour le troisième obstacle en particulier. Les attitudes de dressage de ma pouliche m’avaient bien aidées, il faut le dire. Malgré sa jeunesse, c’était sûrement une des plus douées du domaine… J’espérais qu’il en serait de même dans l’écurie adverse. Les barres n’étaient pas assez hautes pour que son problème à l’antérieur ne cause de soucis. Elle avait déjà fait un concours à ce niveau, ou à un niveau légèrement inférieur. La seule différence résidait dans le fait que c’était une épreuve inter-EV, ce qui me mettait une pression largement supérieure.

Mais revenons-en au parcours. J’entendais mon numéro, appelé dans le micro. D’une main sûre, j’amenais ma pouliche au trot vers le jury, donnait nom, prénom, et les informations sur le cheval, avant de me mettre au galop sur un cercle. Aussitôt, What Else se précipita un peu. Je me redressais, et elle se posa sans mal, en avant mais pas trop rapide. La sonnerie retentit, et notre couple s’amena vers le premier obstacle. Il s’agissait d’un vertical, aux barres classiques, rayées de rouge et blanc. Je le prenais bien au milieu, et accompagnais, tout en visant l’obstacle suivant. La grise retomba sur le pied droit, son côté de prédilection. Je la laissais accélérer un peu, gardant toutefois un contact certain avec sa bouche. Elle s’envola au-dessus de l’obstacle suivant, un vertical identique au premier, si ce n’est que la barre était d’un brun mat. Malgré la vitesse légèrement supérieure, la jument cala sans mal ses foulées sur l’espace, et bondit de nouveau sans problèmes. Mais pour le moment, c’était très très simple… Je savais qu’il n’en serait plus de même durant tout le parcours, que ces deux ridicules verticaux étaient là pour mettre les chevaux en jambe, et rien de plus. Maintenant arrivait le fatal troisième obstacle, beaucoup plus compliqué.

Je ralentis tant que possible ma jument sur le début de courbe. Luttant d’abord, visiblement joyeuse de partir et d’être montée par moi (ce qui, rappelons-le, n’était pas arrivé depuis longtemps…), elle finit par se plier à ma demande, au bout de quatre foulées trop précipitées. Bien sûr, elle était toujours rapide, mais c’était un peu plus acceptable que précédemment. De toutes manières, j’étais bien consciente du fait qu’elle ne ralentirait pas pour me faire plaisir, et que c’était dans sa nature d’aller vite. Je me contentais donc de limiter, et d’être capable d’obtenir des réactions, de lui montrer que j’étais toujours là, sur son dos. Je prenais mon tournant un peu plus court encore que ce qui était prévu. What Else perdit donc de l’impulsion, dans l’affaire, et je dus la pousser pour l’obliger à sauter l’oxer. Heureusement, sa couleur froide n’était pas effrayante, et ma jument de bonne foi. Elle rattrapa mon erreur d’un curieux bond, pas parfait mais satisfaisant, vu son niveau et la difficulté de ce que je lui avais involontairement imposé. La relation qui nous unissait, quoique légèrement changée, était toujours aussi forte. Elle avait confiance en moi, et j’avais confiance en elle. C’était ça, notre force.

L’obstacle passé, je m’évertuais à garder ma jument droite, vers le mur de briques. Mur qu’elle passa sans aucune difficulté, comme si elle riait elle-même de la simplicité de cette partie du parcours. Rigole, rigole… La suite est bien moins drôle. Je donnais des jambes ou, plus exactement, je relâchais un peu ma pression sur sa bouche. Il lui faudrait de l’impulsion, pour sauter haut au-dessus des palanques. Je m’en voudrais de faire une barre ici, et je savais qu’effleurer ces bouts de bois plats ne pardonnait pas. Je me dirigeais ainsi, à une allure assez rapide, mais malgré tout bien contrôlée, sur l’obstacle bleu. Le saut ne me posa pas de problèmes. En revanche, une fois retombées, What Else tenta de prendre le contrôle, en m’arrachant le mors des mains. Je bataillais un peu, gardant tant bien que mal sa mise sur la main, et profitais du « cercle » demandé pour aller au prochain obstacle, pour l’obliger à se plier à ma demande. Elle s’exécuta, de mauvaise grâce, je le sentis. Cela me troubla : elle n’avait jamais réagi ainsi, dans le passé. Il aurait peut-être fallu que je m’en occupe un peu plus… Elle dut sentir mon trouble, car elle tenta encore une fois de me déborder. Je durcis un peu mes doigts, chose qu’elle détestait, et elle fut obligée de se replacer correctement. J’abordais donc plus ou moins sereinement l’oxer violet, l’obstacle le plus haut du parcours… Mais pas le plus difficile, malheureusement. La grise le franchit d’un bond quasiment parfait, que j’accompagnais grâce à tout mon savoir de cavalière. Il fallait bien que ça paie, nan ?

Venait maintenant la première combinaison. Il s’agissait d’un triple, qui n’était pas tout simple. Déjà, j’avais vu que ses couleurs vives avaient effrayés certains chevaux, appartenant à d’autre participants. Qui plus est, les obstacles s’enchaînaient rapidement, et la moindre erreur était fatale pour le couple. Enfin, l’oxer arc-en-ciel était difficile à passer. J’étais consciente qu’il valait mieux l’aborder calmement, et reprenais donc l’allure, que je ralentissais tant bien que mal. A la vue du jaune limite fluo, What Else coucha une oreille. Ce fut sa seule réaction avant qu’elle ne bondisse, m’entraînant dans un saut si violent que j’eus du mal à l’accompagner. J’optais pour rester en équilibre, et n’eus pas besoin de redonner de l’impulsion pour qu’elle soit bien en avant. Elle franchit le second obstacle avec souplesse et, cette fois, je n’eus pas de mal à la suivre. Pour le troisième, je dus avoir une légère pression sur les rênes, histoire de la ralentir un peu sans la gêner. Toutefois, une fois encore, elle avala l’oxer, visiblement heureuse de se pavaner sous les applaudissements des spectateurs. Peut-être y en avait-il un, dans le tas, qui voudrait la racheter. Un bon propriétaire, aimant et agréable. Quelqu’un qui ne traumatiserait pas ma pouliche de talent, que j’aimais tant.

Mais ce n’était pas le moment de penser à la vente de la grise, vente qui se ferait après le concours. Le prochain était le SPA. Le très terrible spa qui, pas très haut, était assez large. Là, il me faudrait de la vitesse. Histoire d’en donner assez à la grise, qui semblait commencer à fatiguer, je pris un tournant un peu plus grand. Peut-être perdais-je du temps, mais je voulais éviter de faire de fautes. Ce n’était pas de gagner, qui me tenait à cœur, mais d’être satisfaite de notre performance. Heureusement, j’avais la bonne vitesse, et le SPA brun fut passé. Je sentis toutefois que What Else avait touché la barre. Une exclamation de soulagement dans la foule me fit comprendre que, même si elle avait sans doute bougée, elle était restée en place. Je soupirais de soulagement, mais n’eut pas beaucoup de temps pour m’auto-féliciter. En effet, le passage de galop jusqu’au double, alias obstacle n°9, était très court. Je contenais donc la bête, à l’aide de ma rêne extérieure. Le bleu n’était toutefois sûrement pas le plus dur… Il amenait juste sur l’obstacle qui me faisait le plus peur : l’éventail, que j’avais rarement vu avec la pouliche.

Et j’avais raison de m’inquiéter… En effet, alors que je rasais les barrières de la carrière, le neuvième obstacle franchit sans difficultés particulière, un enfant se mit à hurler. Je ne compris pas exactement, mais cela avait un rapport avec une glace. What Else, déjà bien chaude, fit un violent écart, et donna un coup de cul. Je la calmais de la voix, et notre relation, basée sur la confiance, fit le reste. Elle se calma, mais batailla un peu, refusant de se rapprocher de la barrière. Lorsqu’enfin elle céda, je n’eus pas le temps de bien la mettre droit à l’obstacle, et nous nous retrouvâmes sur le côté. Le grand… L’impulsion de la grise était suffisante, mais je ne savais pas si elle serait capable de bondir avec autant de puissance. Malgré mes doutes, elle était musclée, grâce à ses nombreux entraînements de dressage. Pleine de bonne volonté, elle bondit, et passa les trois barres oranges en pliant drôlement le dos, relevant ses membres tant que possible. Accompagner était pour moi impossible, et je me retrouvais quasiment allongée sur l’encolure. Toutefois, l’atterrissage fut si brutal qu’il me remit en arrière, dans une position un peu plus acceptable.

Heureusement que ma jument était plutôt bien dressée. Elle profita de ma légère faiblesse pour accélérer, simplement, et non pour se sauver, comme l’aurait fait Scars Story, par exemple. Je me repris juste avant le bidet, qu’elle sauta nonchalamment, du style « heureusement que je suis là pour rattraper ma ridicule cavalière ». Il faut dire que je n’en menais pas large, et que j’étais assez fière de la bestiole sur laquelle je me trouvais. Le bidet fut passé sans problème, mais il me fallut faire plusieurs cercles pour repasser la grise au pas. Rênes longues, encolure basse et robe écumeuse, elle n’avait plus aussi fière allure qu’avant. Mais je savais qu’elle aurait largement assez de force pour s’en sortir pour la troisième et dernière épreuve : le cross.