Chambre de Lindsay Logan >> directrice

Comme toutes les autres chambres de cet étage, elle est sous les toits, et de ce fait, on ne peut pas tenir debout dans la totalité de la pièce.
Elle dispose d'un grand nombre véluxes, et malgré sa situation, cette chambre est très claire et ensoleillée. Elle fait face à l'océan, et c'est très agréable de s'endormir au bruit du ressac.
Côté meuble, on trouve un peu de tout : une armoire en pin, deux tables de nuits assorties, une commode similaire, et un bureau, en pin également. Contrairement aux autres pièces, cette chambre a de la moquette écru, ce qui la rend plus douillette que si elle avait du parquet.

Il était 7 heures du matin. La sonnerie du réveil venait de se déclencher, mais Lindsay était debout, quasiment prête à partir travailler.
Elle avait enfilé une paire de jodphurs couleur crème, et une petite chemise sans manche blanche. Ses cheveux blonds étaient relevés en un petit chignon, qu'elle portait près de la nuque, et il ne lui restait plus qu'à enfiler sa paire de bottes noires, bottes qu'elle avait cirées la veille au soir.

En fait, Lindsay était prête, mais elle aimait s'attarder dans sa chambre, comme en ce moment. Elle aimait profiter du calme de l'Académie, juste avant que les élèves ne s'éveillent, que les sonneries ne retentissent, et que les bruits des écuries ne se fassent entendre. Car à moins de s'éloigner de ces lieux, on ne pouvait profiter d'un peu de calme, jusqu'à tard dans la nuit.

Et Lindsay, en tant que professeur et directrice, se devrait d'être présente et disponible, à n'importe quel moment de la journée. Elle pouvait difficlement s'absenter quelques heures, ne serait-ce que pour une balade. Si un problème arrivait à Secret School, elle devrait être là-bas pour le gérer. Elle ne pouvait guère s'accorder une pause, que ce soit à la Cafétéria ou au parc, car des dizaines de dossiers à traiter arrivaient chaque jour. Des élèves qui voulaient s'inscrire, des gens qui voulaient savoir sun poste de professeur étaient à pourvoir, des parents se renseignants pour leur progéniture...Et puis il y avait les nouveaux arrivants qui se sentaient perdus, en Australie. Ils étaient loin de leur famille, privé de tous leur repères, et son existence passée avait appris à Lindsay certaine chose de la vie, aussi s'efforçait-elle de les rassurer, ces élèves apeurés.

C'est pourquoi la jeune femme tenait ses instants de répit, quand elle était la seule persone levée de toute l'Académie...

Lindsay soupira, tout en se hissant sur la pointe des pieds. Elle appuya ses mains sur le rebord du veluxe, et regarda l'océaan, en face d'elle. On reconnaissait très facilement la grande barrière de corail, et une fois de plus, Lindsay trouva ce paysage magnifique. Contre toute attente, elle se plaisait en Australie, même si au fond d'elle, une petite voix lui soufflait qu'elle n'aurait pas du s'enfuir ainsi de chez elle, sans laisser un numéro de téléphone, un adresse, ou même un preuve qu'elle était encore en vie. Ses parents devaient s'inquiéter...

*Qu'importe ! Ils n'avaient qu'à se montrer plus compréhensif ! C'est ma vie, de toutes façons...*

Lindsay soupira de nouveau, et se détourna du veluxe. Il fallait qu'elle pense à autre chose. Et comme par magie, la sonnerie du réveil général retentit. Lindsay en éprouva du soulagement, sans pour autant réussir à se détacher complètement de la pensée qui la hantait, depuis quelques jours...
Elle se dépêcha d'enfiler ses bottes, tachant de se composer un visage impassible, un visage qui n'exprimait rien. Elle ouvrit la porte de sa chambre, se glissa à l'extérieur. Puis, elle attrapa son trousseau de clés, et ferma hâtivement la porte. La jeune femme avait besoin de changer d'air...

Lindsay entra dans sa chambre en hâte. Elle arracha vivement la pince qui retenait ses cheveux prisonniers, et la jeta sur son lit, laissant sa chevelure trempée de sueur retomber sur ses épaules. Puis, elle jeta un coup d'oeil au miroir. Son chemisier était plaqué contre son corps, son visage était plein de poussière, ses yeux semblaient cernés. Quel triste image elle offrait ! Elle, Lindsay Logan, la directrice de Secret School ! Elle était pitoyable...
La jeune femme détourna la tête, refusant de contempler un instant de plus son horrible reflet. Elle s'engouffra dans la salle de bain, et fit couler de l'eau dans sa baignoire. Un bon bain, voilà ce dont Lindsay avait besoin ! Se laver de toute cette crasse qui lui collait à la peau. Dans le New-Jersey, jamais sa mère n'aurait toléré que sa fille puisse se montrer ainsi vêtue, telle une souillon. Oui mais...Lindsay n'était plus dans le New-Jersey, dans la riche demeure de ses parents, où femmes de ménages, cuisinier et autre domestiques prenaient soin de l'existence de la toute jeune fille des Logan, ce petit bou de choux blonds qui courait partout, s'effrayant des longs couloirs sombres et interminables, rigolant de voir le palefrenier jouer à cache-cache avec elle. Mais ce petit bou de choux avait grandi, et c'était transformé en une belle jeune femme, un tantinet arrogante et trop simple pour obéir aux convenances des soirées mondaines....

Lindsay soupira, et secoua violemment la tête. La baignoire était presque remplie, et la jeune emme avait envie de profiter de ce bon bain, pas de repenser à quelques souvenirs désagréables. En hâte, elle se dévêtit, jetant ses vêtements sales dans un coin de la salle de bain, avant de se plonger dans l'eau. Elle était à bonne température, délicatement parfumé aux huiles essentielles que Lindsay ne manquait jamais d'ajouter. Appuyant sa tête sur le rebord de la baignoire, la jeune femme ferma les yeux. Il fallait qu'elle se détende....

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Environ une heure plus tard, Lindsay se réveilla en sursaut. Elle jeta un regard anxieux à sa montre, et se rendit compte de son retard. Il était cinq heures de l'après-midi, et d'autres élèves avaient du arriver. Des parents avaient du téléphoner, des lettres avaient du arriver, et elle, tout ce qu'elle trouvait à faire, c'était de se prélasser dans l'eau ! Mon Dieu...Quelle manque de discipline ! En hâte, Lindsay sortit de l'eau, et s'en prendre la peine d'enfiler un peignoir, elle tira la bonde de la baignoire. Le niveau de l'eau se mit à descendre en glougloutant, mais la jeune femme n'y prit pas attention, trop occupé à se sécher et surtout, à sécher ses cheveux ! Ils étaient longs...Trop longs ! Et trop longs à sécher..Lindsay abandonna donc l'idée du sèche cheveux, et se précipita dans la chambre, ingorant les gouttes d'eau qui lui coulaient le du dos et des jambes. Elle attrapa une chemisette blanche à petites manches, qu'elle boutonna prestement, et enfila une culotte d'équitation en fine toile grise. Se plaçant ensuite dans le miroir, sa pince en velours noir entre les dents, la jeune femme tenta de refaire son chignon. Pas facile, avec des cheveux humides...Mais tant pis ! C'était ça, ou rien....

Presque vingt-deux heures. Il était temps d'aller dormir. Oui, il était temps...C'est à ça que pensait Lindsay en poussant la porte de sa chambre. Quelques rayons de soleil filtait à travers les stores des veluxes, mais cela n'était pas suffisant pour donner une impression de claireté à la pièce. Mais Lindsay n'alluma pas la lumière. Presque à tâtons, elle s'avança vers son lit, et se jeta dessus. Le bruit d'un dingo se fit entendre au loin, pertubant un peu la jeune femme. Mais elle ne se releva pas pour fermer la vitre qu'elle avait ouverte le matin même, avant de partir travailler. Elle se sontenta de soupirer, légèrement troublée pa cette balade à cheval qui avait eu lieu quelques heures auparavant.

Lindsay n'avait jamais apprecié son éducation quasi-militaire. Elle se rappelait encore des indispensables cours de danse et de chant, les conseils appliqués de sa mère sur la broderie ou la confection de rideaux. Ses activités étaient, pour Lindsay, une véritable corvée, qu'elle effectuait malgré elle, au bon vouloir de sa mère. Rare était le temps que la jeune femme avait pour elle, étant adolescente. Elle aurait aimé s'évader de cete existence trop stricte, faire du shopping entre amies, écouter de la musique sur son I-Pod, aller au cinéma et échanger son premier baiser sous le regard désaprobatteur des autres spectateurs. Etant enfant, elle avait été adorée par tout le petit personnel qui composait la demeure des Logan. Les deux femmes de ménage à la peau noire comme du charbon qui avait tant impressionné Lindsay, le cuisiner et sa moustache tombante, le jardinier et le palefrenier, un grand dadet de quinze ans qui essayait tout le temps de faire rire le "bout de choux de blonds". Mais ce bout de choux avait grandi. Et une autre vie s'était offert à lui. Le bout de choux était devenu une jeune fille. Puis une jeune femme. Qui n'avait jamais su se résoure aux convenances mondaines, à la rigeur de l'étiquette, au regard noir de sa mère, qui pourtant l'aimait. Et c'est sans un mot, sans un au revoir que Lindsaya avait un jour fait sa valise. Ses parents étaient sortis, ils étaient à l'opéra. Tout le monde dormait. Et elle en avait profité ; elle était parti.

Lindsay avait tout de même tiré de son éducation une certaine discipline et une certaine sévérité. Elle était sans doute plus "cool", plus "zen" que sa très chère mère. Malgré tout, la jeune femme savait que ses élèves aller devoir se résoudre à quelques exercices indispensable, à commencer par leur façon de parler. Pas de vulgarité. Pas de vocabulaire dévalorisant, ou de mots tendres échangés entre élèves. Pourquoi ? Parce que...Parce que c'était comme ça. Tout simplement...

Ne pas y penser. Maman, je vous aime...Maman, rester encore un peu.....Rester avec moi...Reste avec moi ! Ces mots, ces paroles...Ces murmures d'une autre vie...Maman, je vous aime....La tête du petit bout de choux blonds collé contre celle de sa mère, ces lèvres articulant ces mots teintés d'un amour sans limite, un amour inconditionnel. Maman, je vous aime...

"Je vous aime, Maman. Vous n'aviez pas le droit...."

Parler à voix haute...Alors qu'elle était seule. Lindsay...Seule avec elle-même, seule avec sa conscience. Seule dans son désespoir. Cette journée à faire semblant, cette journée à dire oui alors qu'elle voulait dire non, cette journée à penser à sa mère. Maman je vous aime....Cette mère qui venait de partir pour ne plus revenir...Mais parti où ? Parti pour quoi ? Parti à cause de quoi ? Mort encéphalique, avait écrit son père. Accident de voitures....Mais que voulaient donc dire ces mots ?! Ils n'avaient pas de sens ! Lindsay...C'était sa mère, c'était "Maman, je vous aime"...C'était....

"Mon Dieu, je vous en supplie, ayez pitié...ayez pitié d'elle, ayez pitié de moi, ayez pitié de mon père...."

Lindsay s'effondra sur son lit en pleurant, enfin. Elle ne croyait pas en Dieu. Mais elle était désespéré, et elle se jetait dans l'espoir qu'une prière pourrait la rapprocher de sa mère. Maman, je vous aime....Maman, rester avec moi...Les peurs d'une enfant...Lindsay était redevenue le petit bout de chou blond. La petite fille qui voulait sa mère. Mais les larmes et les sanglots ne pourraient jamais rien y changer. Elle s'était tué. C'était tout. Un point final venait d'être tracé sur le livre de sa vie. De ce livre, il ne restait que quelques passages à Lindsay. Des souvenirs...Mais qu'est ce qu'elle en avait à faire, des souvenirs ?! Elle voulait sa mère, elle voulait....Mais il n'y avait plus rien à faire. Préparer sa valise, repasser sa robe de deuil. Réserver un avion pour le New-Jersey, assister aux obsèques. Lui dire adieu. Pour toujours. C'était tout ce qu'il y avait à faire....

A quoi ressemblait Andrew, aujourd'hui ? Voilà ce que se demandait Lindsay, étendue sur son lit, le regard perdu dans le vague. Dans un sens, elle s'en moquait un peu. Le jeune homme l'avait trop fait souffrir, beaucoup trop pour que Lindsay songe à le pardonner un jour. D'ailleurs, rien que le fait de penser au jeune homme était douloureux. Car depuis que cela était arrivé, il y avait dix ans maintenant, jamais la jeune femme n'avait jamais eu le courage d'affronter la vérité, de la regarder en face, de réflechir à son histoire passé avec Andrew. Oh, bien sûr, les occasions n'avaient pas manquées, au contraire, mais ce que personne n'était capable de comprendre, c'était que Lindsay devait d'abord se l'avouer à elle-même, se dire que oui, tout ceci s'était réellement passé, qu'il y avait une réalité et qu'elle ne devait pas la subir, elle devait la surmonter....

Le faxe que la jeune femme avait installé la veille se mit alors à grésiller, l'arrachant à ses pensées. D'un geste las, Lindsay tourna la tête, et jeta un coup d'oeil à la machine qui effectuait un vacarme monstre. Sans doute s'agissait-il d'une facture, ou de documents importants...Pourtant....cela ressemblait plus à un billet de train ou....Légèrement intriguée, Lindsay se décida à se lever, et elle étendit le bras pour attraper le document réceptionné, tandis que le faxe finissait de crachoter l'encre. Et elle reposa la feuille de papier aussitôt. Il s'agissait d'un billet d'avion en partance pour le New-Jersey. En première classe, évidemment, avec Delta Airlines, une des plus grandes compagnies de transit aériens américaines. Et réservé au nom de Lindsay McAndrew Logan, par son père, John Logan....

Il était déjà neuf heures du soir. Avec des airs d’adolescente, Lindsay testait et re-testait plusieurs sortes de maquillage, admirant les rouges à lèvres aux tons de rouge clinquants, reposait des gloss framboise, essayait un nouveau mascara. Dans son peignoir de satin argenté, la jeune femme ressemblait un peu à une adolescente qui se rend à son premier rendez-vous galant. Mais à vingt cinq ans, et malgré son statut de directrice, c’était bien ce qu’elle ressentait. Ce soir, c’était le soir du bal. En toutes autres circonstances, cette soirée aurait été anodine, et nul doute que Lindsay ne s’y serait présenté uniquement dans le but de faire honneur à son rang. Oui mais Will l’avait invité à danser. Et elle devait être parfaite.
Reposant un bâton de rouge à lèvre sur le rebord du lavabo, la jeune femme releva ses cheveux, de façon à donner l’impression qu’ils étaient retenus en un chignon. Sous l’effet, sa chevelure blonde semblait pâle, presque terne, mais une fois encore, Lindsay avait l’arme miracle pour leur donner plus d’éclat. Pourtant, une question évidente se posait ; cette coiffure n’était-elle pas trop stricte ?! Irait-elle avec la robe de soie noire que la jeune femme avait prévu de porter ? En désespoir de cause, elle laissa retomber ses cheveux sur ses épaules, et approcha son visage du miroir. Du bout des doigts, elle effleura le coin de ses yeux, y cherchant une ride quelconque. Son front légèrement bombé, héritage d’origine française, était vierge de toute marque de vieillesse, hormis peut-être la trace floue d’une blessure juvénile. Le soleil avait quand à lui laissé de petites ridules au coin des paupières de la jeune femme, mais cela était discret, et dans un sens, lui donnait un certain charme. Quoi que…il ne fallait surtout pas paraître âgé auprès de toutes ses élèves si jeunes ! A vingt-cinq ans, Lindsay se savait encore séduisante, mais qu’en penserait Will ?
Se redressant, la jeune directrice attrapa un mascara waterproof, celui qu’elle avait l’habitude de porter lors des galas qui succédaient aux concours d’équitation, et elle s’en mit une petite touche sur les cils. Parfait. La couleur sombre approfondissait son regard, ses yeux d’un bleu si étonnant. Restait le fameux rouge à lèvres. Bâton ou gloss ? A la réflexion, la deuxième proposition était la plus envisageable. Toutes les jeunes filles présentes à cette soirée auraient les lèvres recouvertes d’une bonne couche de gloss brillant aux couleurs éclatantes, hors de question de passer pour une personne BCBG avec un rouge à lèvres de l’ancienne mode. Forte de cette réflexion, Lindsay attrapa donc son tube de gloss, et apprécia pendant quelques instants la teinte framboise claire qu’elle venait de poser sur ses lèvres. Bon. Ca allait. Rajouter à cela un soupçon d’ombre à paupière, et c’était parfait. Pas besoin de se peinturlurer le visage, et puis après tout, Will avait l’habitude de la voir sans maquillage. Restait un autre problème ; Lindsay avait prévu de porter une robe noire, un modèle sobre de soie noire réalisé sur mesure par un couturier new-yorkais. Cette tenue mettait en valeur sa taille fine et ses longues jambes, rehaussait la blancheur de sa peau et l’éclat de ses yeux. Mais les élèves de l’Académie allaient sûrement se pointer dans des robes aux couleurs vives et pétillantes, du vert pomme, du rose, de l’argent, du rouge. La jeune femme en possédait, certes ; mais elle avait peur d’être mal vue si elle se pointait dans une tenue….qui ne convient pas à une directrice. Oh, et puis tant pis ! Will la prendrait comme elle était. En soupirant, Lindsay attrapa la robe noire, négligemment posé sur le bord de la baignoire, et se débarrassant de son peignoir, elle l’enfila, prenant soin de bien serrer le bustier. La glace lui renvoya une image relativement convenable, mais sa chevelure éparse sur ses épaules gâchait un peu le tableau. En hâte, la jeune femme fourragea dans sa trousse à maquillage, et en extirpa une petit pince de velours noire. Retenant ses cheveux d’une main, Lindsay coinça la pince dans sa blonde chevelure de l’autre. Et voilà. C’était fait. Un joli chignon, suffisamment élégant pour ne pas paraître choquant, mais assez détaché pour ne pas avoir l’air guindé. Pour finir, la jeune femme enfila ses escarpins recouverts de soie noire eux aussi, puisque visiblement, toutes ces affaires tournaient autour de ces teintes, et elle s’accorda une dernière pose devant le miroir. Pas mal. Mais encore fallait-il que cela plaise à Will….Jetant un coup d’œil à sa montre, Lindsay se rendit compte que cela faisait plus d’une heure qu’elle se pomponnait. Le bal allait commencer, et elle n’avait plus le temps de changer de tenue. Will devrait l’accepter telle qu’elle était.
Attachant rapidement un collier autour de son cou, la jeune femme éteignit la lumière de la salle de bain, et se précipita hors de sa chambre…

“Dear Dad,

I’m really sorry not to have come to the burial’s Mum. My work is very fascinating and requires my presence every day, every hour ; I have no right for the respite and the holidays are not to envisage before several years.”

Avec un air dépité, Lindsay regarda sa lettre, dont seul le premier paragraphe était écrit. Que dire, que dire à son père, à cet homme pour qui elle n’éprouvait plus d’affection, mais qui, pourtant, se demandait pourquoi sa fille n’avait pas été présente aux obsèques de sa femme ? A vrai dire, la jeune femme n’avait pas eu le courage ; peur d’affronter la réalité, peur de renouer avec un passé douloureux, de retrouver ces lieux familiers, ces gens qu’elle connaissait depuis toute petite et qui, pou certain, l’avait fait souffrir….Elle se souvenait de la haute demeure coloniale de Rhodes Island et du bruit des vagues qui pénétraient dans sa chambre par la fenêtre ouverte, offrant un agréable fond sonore à ses notes de piano ; elle se souvenait d’Andrew, son premier petit ami sérieux, le plus terrible malheureusement ; elle se souvenait de tout, des murmures de sa mère, des ses sempiternelles exigences, de sa volonté de faire de son unique fille une grande dame. Mais un jour, tout avait changé ; le destin de Lindsay avait basculé, brusquement. Elle avait décidé de se rebeller, quittant la maison et sa petite vie si bien maîtrisée sur un coup de tête, sans explication ; alors, aujourd’hui, comment revenir en arrière et être mis brutalement au pied du mur de la sorte ? La jeune femme n’en savait rien.

Ce jour-là aurait pu être une belle journée. Le soleil brillait, les élèves étaient de bonne humeur, aucune demande d’inscription n’avait été envoyé, un nouveau professeur était arrivé la veille, allégeant ainsi la charge de travail des deux directrices, les problèmes d’eau avaient été réglés, bref, Lindsay s’imaginait déjà en train de galoper sur la plage, et de s’occuper de son cheval. Peut-être pourrait-elle également se prêter à toutes ces petites choses qu’elle rêvait de faire mais qu’elle n’avait pas le temps de réaliser ; attaquer le dernier livre de Michael Connelly, s’acheter une nouvelle petite robe pour l’été, s’empiffrer de chocolat devant un soap, calé contre les coussins du divan, ou même adopter une tenue légère, décontractée et féminine, pour changer du costume d’équitation traditionnel. Et pourquoi pas une légère touche de maquillage ? Il était fréquent qu’on complimente la jeune femme sur son regard, qu’on trouvait cependant guère mis en valeur. Une touche d’ombre à paupières, un peu de mascara, et le tour était jouée. Oui, cette journée commençait bien ; si bien…
Mais très vite, les choses s’étaient gâtées ; le soap-opera avait été abandonné tout comme la tablette de chocolat lorsque, en crise de panique, des jeunes s’étaient mis à hurler ; un de leur camarade avait bêtement chuté dans les escaliers, et souffraient le martyr ; se souvenant que Leliwa avait parlé d’une promenade « calme et reposante avec Enildir », Lindsay s’était donc précipité à la rescousse du malheureux, son portable à la main. Les urgences étaient arrivées dans la demi-heure. Résultat = un tibia cassé et un coccyx fêlé ; rien de bien dramatique, mais assez cependant pour rayer « équitation » de l’emploi du temps de l’élève. Pour lui, ça avait évidemment été le choc, mais faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il n’avait rien dit ; et en professionnelle sûr d’elle-même et capable de faire face à n’importe quelle situation, la jeune directrice avait accompagné l’équipe médicale jusqu’au Darwin Hospital, situé à environ deux heures de route de l’Académie ; sur ce coup-là, l’hélicoptère avait grandement facilité les choses.
Quand, enfin, la radiographie avait révélé l’étendue des dégâts et que les chirurgiens s’étaient mis en devoir de tout réparer, une charmante infirmière à l’allure de top-modèle avait gentiment proposé à Lindsay de rentrer chez elle. Pour qui la prenait-on ? s’était demandé la jeune femme ; sa petite amie ? Tout de même pas sa mère, elle n’avait que quatre ans de plus que lui ! Quoi qu’il en soit, en cet instant précis, son gobelet de café à la main, debout dans l’interminable couloir criblé de sièges à la couleur défraîchie, l’odeur écœurante du désinfectant lui sautant aux narines, Lindsay s’était senti stupide ; d’un coup, elle se remettait en question, doutant de ses choix, elle, la fière, l’orgueilleuse, pleine d’assurance. N’aurait-elle pas du être dans une jolie villa, ou bien en train de nager dans une piscine chauffée ? Que faisait-elle dans un hôpital, en Australie, à attendre des résultats, des prise de sang, des examens, des IRM, des scanners, des radios, des trucs auxquels elle ne comprenait rien ? Elle détestait se fier à la réponse des médecins « tout va bien ». Un jour, lorsqu’elle était enfant, sa camarade de classe s’était évanouie pendant le cours de sport. Tout le monde avait paniqué, pleuré, hurlé, mais de gentils adultes avaient dits « tout va bien » ; une semaine plus tard, Lindsay avait appris que la petite fille, Sarah, était morte d’une malformation cardiaque. Aujourd’hui, ses vieux démons la reprenaient, et c’est malgré elle qu’elle songeait au pire, à ce qui pourrait arriver si ça se passait mal ; et si il s’était violemment cogné la tête, provoquant un hématome, qui pourrait engendre une amnésie, un coma, un traumatisme crânien, ou qu’il souffrait d’une…d’une commotion cérébrale ? Mon Dieu, pourquoi n’avait-elle pas pensé à consulter ses antécédents médicaux avant de les confier aux chirurgiens ? Quelle sotte elle faisait ! Par chance, l’arrivée de l’infirmière tomba à pic, la sortant de pensées sombres et sans intérêt ; cependant, la jeune femme s’imaginait mal resté trois heures dans un taxi étouffant pour retourner à l’Académie ; et puis, elle devait bien se l’avouer, la ville lui manquait. Toue cette activité, cette agitation…Bref, la vraie vie, quoi ! Là-bas, perdu en plein désert, elle se sentait vide ; seule. Là, même si le cœur n’y était pas, elle pourrait faire un peu de shopping…N’avait-elle pas parlé d’une robe, tout à l’heure ? Darwin n’était pas réputé pour ses boutiques à la mode, mais il y avait un aéroport, donc certainement des vêtements de marque….En désespoir de cause, Lindsay finit par se dire que c’était là la meilleure façon de passer son après-midi ; si elle se débrouillait bien, elle pourrait également prendre ses dispositions pour passer la nuit sur place, ce qui lui offrirait un peu de répit dans sa course contre le temps. Oui, pourquoi pas…
C’est donc pleine d’espoir qu’elle s’était dirigé vers la cabine téléphonique, se rendant compte qu’elle n’avait pas pris son portable ; la chance n’était pas avec elle, car, dans sa hâte, elle avait tout oublié ; papiers d’identités, argent…Seigneur, pourquoi tout allait de travers en cette journée qui aurait du être « calme et reposante » ?! Pourtant, l’accueil de l’hôpital accepta de laisser à Lindsay la liberté d’utiliser un de leur poste téléphonique, et un employé ajouta même qu’un complexe hôtelier destiné à accueillir les familles des malades avait été aménagé ; les parents du blessé accepteraient sûrement de régler la note, qui n’était pas bien grande…
Et c’est comme ça que la jeune femme s’était retrouvé dans une petite chambre en rez-de-chaussée, avec vue sur un faux jardin agrémenté d’une fontaine, cherchant désespérément une occupation, zappant sur les programmes de la télévision, farfouillant dans les poches de sa veste jusqu’à retrouvé son billet d’avion pour le New-Jersey, qu’elle ne s’était jamais fait remboursé. On y était ; mise au pied de mur, par la volonté du hasard. N’ayant rien d’autre à faire, Lindsay s’était donc mis à rédiger une lettre d’explication, tout du moins d’excuse, envers son père, pour sa non-présence aux obsèques de « Madame Maman ».
Le premier paragraphe n’avait pas été trop difficile à écrire ; s’excuser avec de belles tournures de phrases faisait parti de l’apprentissage inculquée par la mère de la jeune femme, lorsque celle-ci était plus jeune ; expliquer ses motivations était, en revanche, beaucoup plus difficile. Laisser entendre que son nouveau poste, quel qu’il soit, ne lui permettait pas beaucoup de liberté, encore moins de prendre des « vacances » à plusieurs milliers de kilomètres était trop simple, trop basique. Personne ne pouvait prétendre pouvoir croire à un truc aussi idiot. Mais l’inspiration n’étant pas au rendez-vous, Lindsay poursuivit sur sa lancée.

Quelques coups frappés hâtivement à la porte la tirèrent de sa rédaction hésitante et peu concluante. Légèrement étonnée, elle vit entrer à l’intérieur de la pièce le mannequin en blouse blanche qui l’avait abordé quelques heures plutôt. Comment allait-elle ? Est-ce que tout allait bien ? Ne sachant trop quoi répondre, la jeune directrice acquiesça lentement de la tête, demandant à grand-peine si l’élève blessé allait bien. Visiblement, tout allait bien ; l’opération s’était bien déroulé, il avait désormais la jambe plâtrée pour deux mois, peut-être trois. Quand à son coccyx, il se remettrait en son temps, mais il faudrait éviter les sports violents. Ainsi, pendant un court instant, Lindsay se dit que finalement, les choses s’arrangeaient ; elle avait récupéré un billet de cinquante dollars dans la poche de sa veste, et elle pourrait s’en servir pour prendre un dîner convenable et s’acheter une tenue plus propice à dormir ; elle avait laissé un message à Leliwa, la priant de la rappeler rapidement au Darwin Hospital, expliquant vaguement qu’un élève s’était brisé quelques os à l’Académie et qu’elle était obligé de passer la nuit sur place ; mais évidemment, ce jour-là devait être marqué à tout jamais d’une grande croix rouge. Sous ses allures de gentil médecin, l’infirmière demanda comme ça, le bouche en cœur, le nom, l’adresse et le numéro e téléphone des parents de Jake Young ; l’attestation de son assurance maladie, sa fiche d’identité, et d’autres choses auxquelles Lindsay ne fit pas attention. Oublié. Elle avait tout oublié. D’un coup, le sourire factice peint sur le joli visage de l’aide-soignante disparut. Comment pouvait-on oublier quelque chose d’aussi important ? Où la jeune femme se croyait-elle ? Etait-elle devenue folle ? Oui, sûrement. Il fallait être fou pour s’embarquer dans une aventure aussi périlleuse, partir diriger une mystérieuse académie équestre en Australie, en plein désert, à deux heures de la civilisation. Finalement, l’infirmière prénommée Holly finit par s’excuser de son comportement un peu brutal, en précisant pour expliquer sa réaction, que Jake semblait un peu déboussolé de par son accident, l’opération, et la morphine, et qu’aux dernières nouvelles, il souffrait d’un œdème. Mais peut-être que Lindsay pourrait rentrer à Secret School et ramener le nécessaire ? C’était la meilleure solution. Mais à cet instant précis, à la jeune femme se rendit qu’elle avait besoin d’une coupure ; besoin de faire une pause, de retrouver de la vie, de ce monde qu’elle connaissait si bien. Elle vivait recluse dans un bâtiment somptueux, certes, mais perdu au milieu de nulle part, et cette prison dorée commençait à avoir un effet néfaste sur les nerfs de la jeune directrice. Directrice. Qui aurait cru qu’elle, vingt-cinq ans à peine, jeune diplômée d’Harvard et cavalière prometteuse, soit directrice d’un établissement prestigieux ? C’était à peine croyable. Où était passé les fêtes d’étudiants, l’alcool, la drogue, les délires, les batailles de mousse à raser, les rires, la musique à fond, bref, la folie de la jeunesse ? D’un coup, Lindsay se sentit perdue. Elle était là, dans une chambre sans attraits, sa blouse en lin et son pantacourt blanc imprégné de l’odeur du désinfectant de l’hôpital, Complicated en fond sonore, musique qui correspondait parfaitement à son état de remise en question. Perdu. C’était la terme, il n’y en avait pas d’autres ; quand Holly lui demanda si elle voulait bien signer un papier attestant qu’elle était d’accord pour pratiquer une deuxième opération pour un œdème qui avait apparemment été diagnostiqué, et vu que les parents de Jake était injoignable, elle était sa tutrice désigné, la jeune femme aurait voulu que quelqu’un, n’importe qui, Leliwa, sa mère, son père, quelqu’un puisse prendre cette décision à sa place. Pourquoi l’infirmière n’avait-elle pas dit ça de but en blanc, pourquoi n’avait-elle pas annoncé qu’il n’y avait pas « que des simples fractures bénignes qui se résorberont en leur temps » ? Mon Dieu, pourquoi tout était si dur….

Avec hésitation, Lindsay s’empara du stylo, et apposa sa signature au-bas de la feuille qu’elle n’avait pas pris la peine de lire ; cela ne lui ressemblait pourtant pas. En temps normal, elle aurait épluché le dossier, demandé à se faire expliquer chaque détail de l’opération, voir même y assister, voulu consulter les radiographies, scintigraphies, et autre examens pratiques ; en temps normal, elle aurait contacté les parents et aurait raconté, avec un voix ferme, neutre et rassurante, qu’un accident sans gravité avait eu lieu à l’Académie et que leur fils avait été transporté à l’hôpital de Darwin. Leur présence n’était pas nécessaire, mais s’ils souhaitaient contacter Jake, ils n’auraient qu’à téléphoner à l’hôpital, et demander le poste 3518. Mais rien ne se passait normalement depuis ce matin ; alors Lindsay se contenta de signer le papier, espérant simplement que tout se passerait bien. Devait-elle appeler Leliwa pour la prévenir de tout ce qui se passait ? Les deux jeunes femmes ne s’étaient guère entendu, mais depuis leur arrivée, elles avaient appris à travailler ensemble, et puis, Lindsay devait bien se l’avouer, elle aurait apprécié la présence de sa collègue à ses côtés, rien que pour pouvoir se dire qu’elle n’était pas seule dans cette galère. Mais elle lui avait déjà laissé plusieurs messages via le téléphone de l’accueil, et personne n’était venu la prévenir qu’elle avait rappelé. Il fallait donc prendre son mal en patience. Plus facile à dire qu’à faire. Repensant à son seul et unique billet, la jeune femme songea à aller le dépenser en s’offrant un des énormes plats chinois proposés par le take-away de la ville ; c’était puéril, mais ça apportait du réconfort. Finalement, elle demanda à un commerçant de lui transformer son billet en petite monnaie, et elle s’acheta un paquet de chips au distributeur automatique.
Et les heures se mirent ainsi à défiler. Assise sur un banc, à l’ombre d’un vieux cèdres, Lindsay observait les passants, les touristes en tenue colorés et les businessmen en costume trois pièces, leur mallette à la main, tout en mordant dans ses chips. N’ayant aucun moyen de la joindre, l’hôpital ne pouvait pas la contacter pour la prévenir que tout s’était bien passé, ou que, au contraire, on l’attendait à la morgue, ou même que Leliwa avait téléphoné, mais ce n’était pas grave ; la jeune femme serait mise au courant bien assez tôt. Avec ses quarante-sept dollars et vingt huit cents restants, elle s’acheta un pyjama en coton, une canette de soda, un deuxième paquet de chips, et deux sandwichs au poulet. Pour finir, elle gaspilla sa dernière pièce dans une cabine téléphonique pour joindre l’Académie ; évidemment, personne ne répondit, et elle eut alors le sentiment d’être une émigrée clandestine sans aucuns papiers.

De retour dans sa chambre d’hôtel, Lindsay posa ses achats sur la vulgaire table en faux bois, avant de se jeter sur le couvre-lit ; d’ordinaire, elle aurait plutôt retirer le linge, retourner les taies d’oreillers et demander à une femme de ménage de repasser l’aspirateur ; mais elle était trop las pour se fier à son comportement habituel, et elle se contenta de décapsuler sa canette avec les dents, renversant la moitié du soda sur la moquette déjà tâchée, avant de s’endormir, sans même user de son nouveau pyjama.
Vers minuit pourtant, la jeune femme fut réveillé ; cette fois, ce n’était pas « Holly » qui venait lui rendre visite, mais un médecin en personne, ce qui lui donna l’impression, pendant quelques secondes, d’être quelqu’un d’important. Mais le fait qu’on la dérange en plein milieu de la nuit n’augurait sans doute rien de bon ; aussi, quand Lindsay apprit de la bouche du quadragénaire que tout s’était bien passé et que Jake serait apte à rentrer chez lui d’ici une petite semaine, la jeune femme crut qu’elle allait lui décocher une paire de claques. Mon Dieu, la réveiller pour ça ! Mais où avait-il été éduqué ? Quel…Quel imbécile que cet homme – Spencer Cavannaugh disait son badge ! Cependant, Lindsay ne pouvait le nier, elle était soulager ; cette journée se terminait mieux qu’elle avait commencé, c’était le principal. Par la suite, incapable de se rendormir malgré la tension qui avait disparu, elle se souvint des la nourriture qu’elle s’était offerte la veille, et décidant de garder les sandwiches pour le petit déjeuner, elle vida entièrement le paquet de chips, ne pensant pas une seule seconde aux kilos qui ne tarderaient pas à apparaître.

Le lendemain matin, c’est aux premières lueurs du jour que la jeune femme s’éveilla ; la pendule accrochée au mur affichait six heures du matin, autant dire trop tôt pour rappeler Leliwa, mais pas assez pour se lever. N’ayant plus d’argent sur elle, Lindsay mordit avidement dans ses sandwiches au poulet en guise de petit-déjeuner, avant de se diriger dans la salle de bain, espérant pouvoir se refaire une beauté. Evidemment, elle avait oublié son maquillage, celui qu’elle emportait d’habitude tout le temps sur elle, mais celui dont elle s’était peinturluré le visage hier lui offrait une triste expression ; le maquillage avait coulé, l’ombre à paupière avait rendu ses yeux rouges et les avaient faits gonflés, et pour finir, la blonde chevelure de la jeune femme s’était emmêlée ; quand aux vêtements froissés, tâchés, mieux valait ne pas en parler. En désespoir de cause, Lindsay se passa un peu d’eau sur le visage, espérant retirer son grimage, avant d’abandonner en voyant que le résultat était pire.

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